1974 - Les voitures qui ont mangé Paris - Peter Weir (15/20)
Le film commence comme une pub géante : un couple épanoui, représentant un certain modèle, le paquet de cigarette, le soda. Et puis d’un coup le drame, un accident de la route qui anéantit toute cette image idyllique. Sacrée entrée en matière pour ce premier film. On se retrouve à Paris, village isolé qui se préserve de toute modernité mais qui se sert des voitures accidentées pour vivre. Il y a un côté fantastique dans le film, le village Paris et son mode de fonctionnement faisant penser à la série Le prisonnier de Patrick MacGohan. Les voitures des jeunes du village sont au départ des stocks cars puis des véritables engins de mort. Leur look a sans doute du beaucoup inspirer le réalisateur de Mad Max, de la même nationalité. Il y a également quelques plans et musique se référant au western. Au final, le village ne subit pas une attaque de l’extérieur mais de l’intérieur, dû à un conflit générationnel.
Cette œuvre curieuse, passée à la sauvette dans un autre Paris que les voitures n’ont pas encore mangé, est la première de Peter Weir à avoir franchi les frontières de l’Australie. Elle a permis à quelques privilégiés de découvrir le talent très particulier du cinéaste, habile à créer l’angoisse sans recouvrir aux effets outranciers propres au genre. Comme Val Lewton dans les années 1940, Weir fait surgir d’un quotidien banal un malaise diffus et insinuant. Tout à l’air normal dans la bourgade de Paris, mais l’on sent confusément que cette normalité porte en elle le germe de l’autodestruction. Le titre – étrange – nous prépare psychologiquement au désastre final et nous pousse à ne pas nous fier aux apparences paisibles. On peut s’interroger sur le sens profond de cette parabole : faut-il en conclure que l’automobile nous tuera ? que la jeunesse à qui on ne sait pas donner d’idéal mine notre civilisation ? Ou peut-être le film de Weir ne veut-il rien dire d’autre que ce qu’il nous montre : un jour ou l’autre viendra l’apocalypse, qu’on le veuille ou non. Il n’en est que plus terrifiant.
*** Guy Bellinger, Guide des Films Jean Tulard, Bouquins.