Missa l'homme armé - Missa Spiritus Almus - Flos de Spina (4,4/5)
01 | Credo | Nicolas Gombert | ***** |
02 | Gradual For Easter Day | Nicolas Gombert | ***** |
03 | Harc dies quam fecit Dominus | Nicolas Gombert | ***** |
04 | Qui colis Ausoniam | Nicolas Gombert | ***** |
05 | Marian antiphon | Anonyme | **** |
06 | Salve Regina (‘Diversi diversa orant’) | Nicolas Gombert | ***** |
07 | O beata Maria | Nicolas Gombert | ***** |
08 | Vae, vae Babylon | Nicolas Gombert | **** |
09 | Nunc dimittis antiphon | Anonyme | **** |
10 | Media vita in morte sumus | Nicolas Gombert | ***** |
11 | Lugebat David Absalon | Nicolas Gombert | ***** |
« La génération perdue » : telle est l’expression appropriée par laquelle les historiens de la musique ont désigné les compositeurs dont les œuvres s’étendent de la mort de Josquin Desprez (1521) à l’avènement d’Orlande de Lassus (fin des années 1550). Parmi la riche diversité des compositeurs de cette époque – qui compta Clemens non Papa, Adriano Willaert, Jachet di Mantua, Costanzo Festa, Ludwig Senfl et Cristobal de Morales – figure Nicolas Gombert, que le théoricien et compositeur Hermann Finck désigna comme personnage de marque, en 1556 : « Pourtant, notre époque même compte des novateurs, dont Nicolas Gombert, élève de Josquin au souvenir béni, qui montre à tous les musiciens la voie, ou plus encore le sentier de la manière imitative et de la subtilité recherchées ; et il compose une musique totalement différente de celle du passé. En effet, il évite les silences et sa composition abonde en harmonies et en imitations). »
Nous savons peu de choses sur la vie de Gombert, sinon qu’il naquit dans un village des Flandres françaises, à l’ouest de Lille, aux alentours de 1500. En 1526, il se rendit en Espagne pour devenir chanteur à la chapelle de la cour de l’empereur Charles Quint ; il se vit accorder des bénéfices à Courtrai et à Béthune. En 1529, Charles Quint le nomma Maître des enfants de la chapelle, poste qui allait l’amener à beaucoup voyager en Europe occidentale jusqu’en 1538, date à laquelle son nom disparut définitivement des annales de la cour impériale. L’humaniste Hieronymus Cardanus nous apprend à ce propos que Gombert fut condamné aux galères sur une trirème pour avoir violenté un jeune choriste. Aux fers, il composa les ‘chants du cygne’ (peut -être ses mises en musique du Magnificat) qui incitèrent l’empereur à lui accorder son pardon et une prébende à Tournai. L’unique document biographique à notre disposition est une lettre que Gombert rédigea à Tournai, en 1547, à l’attention de Ferrante Gonzaga, Gran Capitano de Charles Quint. La date de sa mort nous demeure inconnue : apparemment vivant lorsque Finck écrivit sur lui en 1556, il était mort au moment où Cardanus publia son récit, en 1561.
Onze messes, un Credo indépendant, huit Magnificat, plus de cent soixante motets (dont plus d’un quart sont marials) constituent, avec quelque quatre-vingts chansons et d’autres pièces profanes, les œuvres encore existantes de Gombert. Comme souvent pour cette période, de multiples attributions erronées côtoient un certain nombre de cas d’authenticité douteuse. La publication des œuvres de Gombert parvint à débuter en 1529 et des recueils majeurs de ses motets virent le jour à Venise en 1539 et en 1541. En outre, divers recueils imprimés de messes, de motets et de chansons continrent couramment au moins une œuvre de Gombert, et ce bien après sa mort. Dans sa Declaracion de 1555, Juan Bermudo encouragea les luthistes à interpréter la musique ‘del profundo Gomberto’ ; le grand nombre de manuscrits et d’intavolatura imprimées pour luth et orgue (dont des transcriptions d’œuvres par ailleurs inconnues) survivants suggère que ce conseil fut entendu.
Il est difficile de déterminer quel degré de littéralité attribuer aux propos de Finck décrivant Gombert comme un ‘élève de Josquin’. Certes, Gombert – dont la région natale n’est pas très éloignée de Condé, où Josquin passa ses dernières années – a fort bien pu étudier auprès du compositeur vieillissant, et tout laisse à supposer que son éducation musicale revint au maître. Mais, comme le remarqua Finck, le style de Gombert diffère énormément de celui de ses prédécesseurs : ‘il évite les silences’. Ce trait constitue d’ailleurs le contraste le plus immédiat avec la musique de Josquin, qui s’engage typiquement dans une alternance d’imitations appariées, avec emploi du complément vocal vers la conclusion d’une ligne de mots, avant que deux voix reprennent le point d’irritation suivant. A contrario, Gombert implique toutes les voix dans ses imitations : il soutient l’ensemble de la trame et introduit le point suivant (avec la ligne ultérieure du texte) pendant que les autres voix conduisent encore la ligne précédente à sa conclusion. Ainsi, combine-t-il l’écriture continue du maître de Josquin, Ockeghem, à la technique imitative de Josquin lui-même – ‘abondant en harmonies et en imitations’.
01 Credo Nicolas Gombert ***** Le Credo à huit parties nous est parvenu dans une publication de 1564. Cette œuvre puissante, qui allie technique magistrale, structure monumentale et construction riche, présente une importante écriture antiphonée opposant deux groupes à quatre voix. La mise en musique, essentiellement syllabique, que Gombert fit du texte évite le côté illustratif mais assure une déclamation et un ton ad hoc. Le traitement du ‘et sepultus est’ et l ‘évitement de toute cadence régulière au ‘non erit finis’ sont remarquables. De telles mises en musique du Credo seul n’étant pas rares, nous n’avons pas besoin de rechercher les mouvements perdus d’une messe complète. Le premier motif se réfère, cependant, à l’ouverture du motet Lugebat David Absalon, conservé dans la même édition.
03 Harc dies quam fecit Dominus Nicolas Gombert ***** Haec dies est le graduel de la messe pascale. La mise en musique de Gombert, incluse dans le premier livre de ses motets à cinq parties publié à Venise en 1539, tire ses points imitatifs de la mélodie de plain-chant. Ecrit pour voix graves, il constitue une mise en musique plus solennelle qu’exubérante du texte.
04 Qui colis Ausoniam Nicolas Gombert ***** Le Qui colis Ausoniam à six voix fut composé à l’occasion du traité que Charles Quint, le pape Clément VII et un certain nombre d’autres souverains italiens signèrent à Bologne en 1533. Publié à Venise en 1539, il offre une mise en musique de circonstance, festive, du texte de Nicolaus Grudius.
06 Salve Regina (‘Diversi diversa orant’) Nicolas Gombert ***** Le Salve Regina, dit ‘Diversi diversa orant’ (‘différentes personnes prient différentes choses’), est inclus dans le second livre de motets à quatre parties publié à Venise en 1541. Cette œuvre exceptionnelle utilise sept textes marials et des paraphrases de leurs mélodies de plain-chant. Le Cantus paraphrase ainsi le Salve Regina, une des quatre grandes antiennes de la bienheureuse Vierge Marie. L’Altus débute par une autre de ces antiennes, Ave Regina caelorum, suivie de l’antienne Beata Mater, plus courte. Le Tenor ouvre sur la séquence pour la Purification, Inviolata integra et casta es, Maria, avant de poursuivre avec l’antienne Hortus conclusus es, que certains usages associaient autrefois à l’Assomption. Le Bassus paraphrase d’abord une autre grande antienne mariale, Alma Redemptoris Mater, pour achever sur la prière Ave Maria. Dans le quolibet qui en résulte, véritable tour de force, Gombert renonce à son habituelle technique imitative afin que quatre mélodies différentes soient toujours chantées simultanément – chacune.
07 O beata Maria Nicolas Gombert ***** Un autre motet marial de Gombert, O Beata Maria à cinq voix, parut dans le premier recueil de 1539. L’ouverture fournit une des plus originales techniques imitatives de Gombert, sol-mi-la-sol étant la réponse au motif mi-ut-fa-mi. (Bien qu’il soit possible d’éradiquer cette opposition par une application de la musica ficta et au nom de la solmisation identique, rien ne semble nous autoriser à le faire, le principe de la solmisation identique reposant sur des preuves fort peu convaincantes.)
08 Vae, vae Babylon Nicolas Gombert **** Vae, vae Babylon, extrait du second volume de motets à quatre parties, présente un texte adapté d’un certain nombre de versets du dix-huitième chapitre de l’Apocalypse. La mise en musique est pour voix graves et le style, déclamatoire, convient aux prophéties tragiques.
10 Media vita in morte sumus Nicolas Gombert ***** Le Media vita (Xie siècle) a presque disparu du bréviaire dominicain, où il est l’antienne du Nunc dimittis du troisième dimanche de carême. Le matériau polyphonique de la mise en musique de Gombert, publiée dans le premier volume de motets à six parties édité à Venise en 1539, souscrit étroitement à la mélodie de plain-chant. Cette pièce nous offre un particulièrement bel exemple du style de Gombert tel que Finck le décrivit : son écriture est riche, ses imitations se couvrent, en général, mutuellement, et les six voix se reposent rarement. Gombert fut suffisamment séduit par cette mélodie (et par le motet qui en découle) pour en refaçonner le matériau dans sa remarquable Missa de Media vita à cinq voix.
11 Lugebat David Absalon Nicolas Gombert ***** Le motet à huit voix Lugebat David Absalon est attribué à Josquin dans l’édition de 1564, mais son style est plutôt révélateur de l’élève du maître. L’œuvre est un contrafactum, dont chacune des deux sections était à l’origine une chanson. La première, connue par une source unique, est prêtée à Gombert (bien que la même musique circulât, avec un texte moins consolateur, sous d’autres noms), tandis que la seconde n’a apparemment pas survécu dans sa forme originelle, même si l’utilisation d’une mélodie existante permet d’identifier le texte original. Nous ignorons qui a pu être responsable de la présente version du Lugebat mais le mariage, des plus heureux, de la musique et du texte se traduit par une description passionnée de la lamentation de David.
En 1626, Francisco Correa de Arauxo publia son Facultad organica, dans la préface duquel il inclut un bref chapitre sur le ‘punto intenso contra remisso’, que nous pourrions appeler fausse relation simultanée. Gombert, affirma-t-il, utilisa le plus, et le mieux, ce conseil. Les recherches de ces dernières années confirment que cette caractéristique, généralement reconnue comme anglaise, fit partie intégrante du langage musical de Josquin, de Gombert et de leurs contemporains ; et il est vrai que nulle part ailleurs que dans la musique de Gombert nous n’en trouvons d’usage plus prolifique, plus varié ou plus envoûtant.
L’auteur de ces lignes a édité les œuvres du présent enregistrement en conformité avec ses découvertes en musica ficta.
John O’Donnell, carton original CD.
01 | Credo | Nicolas Gombert | ***** |
Credo in unum Deum, Je crois en un seul Dieu,
Patrem omnipotentem Père tout-puissant,
factorem caeli et terrae, créateur du ciel et de la terre,
visibilium omnium et invisibilium. De toutes les choses visibles, et invisibles.
Et in unum Dominum Iesum Christum, Et en un seul Seigneur Jésus-Christ,
Filium Dei unigenitum. Fils unique de Dieu,
Et ex Patre natum ante omnia saecula. Né du Père avant tous les siècles,
Deum de Deo, lumen de lumine, Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière,
Deum verum de Deo vero. Vrai Dieu né du vrai Dieu,
Genitum, non factum, engendré, non pas créé,
consubstantialem Patri : consubstantiel au Père ;
per quem omnia facta sunt. Par qui toutes les choses furent créées.
Qui propter nos homines Qui, pour nous les hommes,
et propter nostram salutem et pour notre salut,
descendit de caelis. Descendit des cieux,
Et incarnatus est de Spiritu Sancto et prit chair de la Vierge Marie
ex Maria virgine : par le Saint-Esprit :
Et homo factus est. Crucifixus Et se fit homme.
Etiam pro nobis : sub Pontia Pilato Il fut aussi crucifié pour nous : sous Ponce Pilate,
passus et sepultus est. Il mourut et fut enseveli.
Et resurrexit tertia die Et il ressuscita le troisième jour.
Secundum scripturas. Conformément aux écritures.
Et ascendit in caelum : Et il monta au ciel :
sedet ad dexteram Patris. Il s’assit à la droite du Père.
Et iterum venturus est cum gloria Et il reviendra dans la gloire.
Iudicare vivos et mortuos : pour juger les vivants et les morts :
cuius regni non erit finis. Son règne n’aura pas de fin.
Et in Spiritum Sanctum, E credo nello Spirito Santo,
Dominum et vivificantem : et vivificateur :
qui ex Patre Filioque procedit. Qui procède du Père et du Fils,
Qui cum Patre et Filio simul qui, avec le Père et le Fils,
adoratur et conglorificatur ; est pareillement adoré et glorifié ;
qui locutus est per Prophetas. Qui a parlé par les prophètes.
Et unam sanctam catholicam Et en une sainte, catholique
et apostolicam Ecclesiam. Confiteor unum et apostologique église. Je reconnais un seul
baptisma in remissionem peccatorum. Baptême pour la rémission des péchés.
Et expecto resurrectionem mortuorum. Et j’attends la résurrection des morts
Et vitam venturi saeculi. Amen. Et la vie du monde à venir. Amen.
02 | Gradual For Easter Day | Nicolas Gombert | ***** |
Haec dies quam fecit Dominus : Voici le jour que le Seigneur a fait :
exultemus et laetemur in ea. Exultons et réjouissons-nous en lui. Alléluia.
03 | Harc dies quam fecit Dominus | Nicolas Gombert | ***** |
Haec dies quam fecit Dominus : Voici le jour que le Seigneur a fait :
exultemus et laetemur in ea. Exultons et réjouissons-nous en lui. Alléluia.
Confitemini Domino, quoniam bonus, Louez le Seigneur, car il est bon,
in saeculum misericordia eius. Et sa miséricorde dure à toujours.
04 | Qui colis Ausoniam | Nicolas Gombert | ***** |
Qui colis Ausoniam glebae felicis arator. Toi qui travailles la terre d’Ausonie, laboureur du sol béni.
Qua Bacchi at Cereris munera sponte fluunt. Que de dons s’écoulent par la volonté de Bacchus et de Cérès !
Qui toties fatis genuisti pressus iniquis. Tu as, pressé par des destins iniques, porté si souvent des fruits.
Orbe alio assidue A un autre cycle, prépare-toi,
dum novus hostis adest. Pendant qu’il s’en déroule un avec de nouveaux sacrifices.
Pone aras, accende focos pia thura cremato. Erige des autels, allume des feux, brûle de l’encens sacré.
Gaudia vox lytui Que la voix de la lyre,
cornua systra sonent. Que les cornes retentissantes sonnent leur joie.
Perpetuum Clemens foedus Clément a scellé un traité perpétuel
cum Caesare pacis sanciit, de paix avec César,
ut fessae ferret opem patriae. Par lequel il peut enlever les riches du pays épuisé.
Bifrontisque Deam Iani conclusit in aede. Il a enfermé la déesse dans la maison de Janus aux deux visages.
Tranquilo aeternum regnet ut haec Latio. Qu’il règne à jamais comme elle sur le Latium en paix.
Quam Caroli sanctique Patris concordia. Qu’il est grand, l’accord de Charles et du Saint-Père !
Quam bene nunc Qu’il est bon, celui par lequel vous êtes désormais
gemino tutus es imperio. en sûreté dans le pays sous le règne des jumeaux !
05 | Marian antiphon | Anonyme | **** |
Salve regina, mater misericordiae ; Salut ô reine, mère de miséricorde ;
vita, dulcedo, et spes nostra, salve. Notre vie, notre douceur et notre espoir, salut.
Ad te clamamus exsules filli Evae ; Vers toi nous crions, fils d’Eve en exil ;
Ad te suspiramus, gementes et flentes Vers toi nous soupirons, gémissant
in hac lacrimarum valle. Et pleurant dans cette vallée de larmes.
Eia ergo, advocata nostra, illos tuos Ah ! Toi qui es notre soutien, tourne
misericordes oculos ad nos converte. Donc vers nous tes yeux miséricordieux.
Et Iesum, benedictum fructum ventris tui, Et montre-nous, au bout de cet exil,
noblis post hoc exsilium ostende. Jésus, le fruit de tes entrailles.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria. Ô clémente, ô sainte, ô douce Vierge Marie.
06 | Salve Regina (‘Diversi diversa orant’) | Nicolas Gombert | ***** |
Salve Regina misericordiae, Salut, Reine de miséricorde,
vita dulcedo et spes nostra salve. Notre vie, notre douceur et notre espoir, salut.
Ad te clamamus, exsules filii Hevae. Vers toi, nous crions, fils d’Eve exilés.
Ad te suspiramus, Vers toi, nous soupirons,
gementes et flentes in hac lacrimarum valle. Gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes.
Eia ergo, advocata nostra, Eh bien donc, notre avocate,
illos tuos misericordes oculos ad nos converte. Tourne vers nous tes yeux miséricordieux.
Et Jesum, benedictum fructus ventris tui, Et après cet exil, montre-nous Jésus,
nobis post hoc exsilium ostende. Le fruit béni de ton sein.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria. Ô clémente, ô sainte, ô douce Vierge Marie.
Ave Regina caelorum, Salut, Reine des cieux,
ave domina angelorum : Salut, maîtresse des anges,
salve radix, salve porta. Salut, racine, salut porte.
Ex qua mundo lux est orata : De qui la lumière s’est levée sur le monde :
gaude virgo gloriosa, Réjouis-toi, vierge glorieuse,
super omnes speciosa : belle entre toutes.
Vale, o valde decora. Salut, ô splendeur véritable.
Et pro nobis semper Christum exora. Et pour nous implore toujours le Christ.
Beata Mater et inupta Virgo Mère bienheureuse et Vierge non mariée,
gloriosa Regina mundi, glorieuse Reine du monde,
intercede pro nobis intercède pour nous auprès
ad Dominum Deum nostrum, du Seigneur notre Dieu,
O dulcis Maria. Ô douce Marie.
Inviolata, integra et casta es, Maria : Tu es inviolée, entière et chaste, Marie :
Quae es effecta fulgida caeli porta. Tu as été faite porte étincelante des cieux.
O mater alma Christi carissima. Ô douce et très adorée mère du Christ.
Suscipe pia laudum praeconia. Reçois les pieuses offrandes de louanges.
Nostra ut pura pectora sint et corpora : Que nos coeurs et nos corps puissent être purs :
Te nunc flagitant devota corda et ora. Des coeurs et des bouches dévoués t’implorent maintenant.
Tua per precata dulcissima. Par les choses pour lesquelles tu as prié, tu es la plus douce.
Nobis concedas veniam per saecula. Accorde-nous le pardon à travers les siècles.
O benigna ! O Regina ! O Maria ! Ô Bienvaillante ! Ô Reine ! Ô Marie !
Quae sola inviolata permansisti. Toi seule est demeurée inviolée.
Hortus conclusus es, Tu es un jardin clos,
Dei Genetrix, fons signatus, Mère de Dieu, source élue,
surge, propera, amica mea. Lève-toi, hâte-toi, mon amie.
O dulcis Maria. Ô douce Marie.
Alma Redemptoris Mater, Douce Mère du Rédempteur,
quae pervia caeli porta manes, Toi qui demeures la porte d’entrée des cieux,
et stella maris, succure cadenti et l’étoile de la mer, secours ceux qui tombent
surgere qui curat populo : pour apparaître comme celle qui prend soin des gens.
Tu quae genuisti, natura mirante, Toi qui as donné naissance, nature merveilleuse,
tuum sanctum Genitorem : à ton saint Auteur,
Virgo prius ac posterius. Vierge avant et après,
Gabrielis ab ore sumens illud Ave, lorsque Gabriel entendit de ta bouche ce ‘Salut’,
peccatorum miserere. Aie pitié des pécheurs.
Ave Maria, gratia plena : Dominus tecum : Salut Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi.
benedicta tu in mulieribus, Tu es bénie entre toutes les femmes,
et benedictus fructus ventris tui, et le fruit de ton sein est béni,
O dulcis Maria. Ô douce Marie.
07 | O beata Maria | Nicolas Gombert | ***** |
O beata Maria admitte preces nostras Ô bienheureuse Marie, fais entrer nos prières
intra sacrarium exauditionis là où elles sont entendues
et reporta nobis antidotum reconciliationis : et rapporte-nous l’antidote de la réconciliation :
sit per te excusabile quod per te gerimus, par toi, que ce que nous accomplissons par toi soit excusable,
sit impetrabile quod fide, mente poscimus, que ce que nous demandons avec un esprit fidèle soit possible à obtenir,
accipe quod offerimus et dona quod rogamus. Reçois ce que nous offrons et donne ce que nous demandons.
Assiste parata votis poscentium, Toi qui as été rendu prête,
optatum effectum : aide à un résultat optimal
sit tibi studium exorare pour les réclamations de ceux qui prient.
pro populo Dei quem meruisti Puisses-tu être zélée en intercédant pour le peuple de Dieu,
benedicta tu ferre pretium mundi. Toi la consacrée qui mérita de porter la richesse du monde.
08 | Vae, vae Babylon | Nicolas Gombert | **** |
Vae, vae Babylon civitas magna Malheur, malheur à Babylone la grande cité,
quia licit in corde suo : car elle dit en son coeur :
Sedeo Regina, et vidua non sum je suis assise en Reine et je ne suis pas veuve,
et luctum non videbo. Et jamais je ne verrai le deuil.
Ideo in una die venient plagae eius, Aussi, ses fléaux viendront en un seul jour,
mors et luctus et fames la mort, le deuil et la famine,
et igne comburetur. Et elle sera consumée par le feu.
Vae, vae civitas illa magna Babylon, Malheur, malheur à cette grande cité de Babylone,
civitas illa fortis, cette cité puissante,
quoniam in una hora veniet iudicium tuum. Car en une heure ton jugement viendra.
Cecedit Babylon magna Elle est tombée, Babylone la grande,
et facta est habitatio daemoniorum, et est devenue une habitation de démons,
quia de vino irae car tous les peuples y boiront le vin
fornicationis eius biberent omnes gentes du courroux de se fornication,
et reges terrae cum illa scortati sunt et les rois de la terre se sont livrés à la débauche avec elle,
et mercatores terrae de virtute eius et les marchands de la terre se sont fait riches
deliciarum divites facti sunt. Par l’opulence de ses biens.
Vae, vae civitas illa magna Malheur, malheur à cette grande cité
quae amicta erat bysso qui était vêtue de lin fin et de pourpre,
et purpura et deaurata erat aura. Qui était parée d’or.
Post hac vox citharoedorum et musicorum, Après cela, les sons des cithadères et des musiciens,
tibiaatque tuba canentium des flûtistes et des trompettistes,
non audietur in te amplius, ne se feront plus entendre en toi,
quia mercatores tui erant principes terrae car tes marchands étaient les grands de ce monde.
et in veneficiis tui erraverunt omnes gentes. Et toutes les nations furent trompées par tes sortilèges.
Et sanguis Prophetarum Et le sang des Prophètes et des
et Sanctorum in te inventus est. Saints fut trouvé en toi.
09 | Nunc dimittis antiphon | Anonyme | **** |
Media vita in morte sumus : Au coeur de la vie, nous sommes dans la mort :
quem quaerimus adiutorem nisi te, Domine ? Auprès de qui pouvons-nous chercher secours, sinon auprès de toi, Seigneur ?
Qui pro peccatis nostris iuste irasceris. Qui es justement irrité par nos péchés.
Sancte Deus, sancte fortis. Dieu saint, saint et puissant.
Sancte et misericors Salvator, Saint et miséricordieux, Sauveur,
amarae morti ne trada nos. Ne nous livre pas à la mort amère.
10 | Media vita in morte sumus | Nicolas Gombert | ***** |
Media vita in morte sumus : Au coeur de la vie, nous sommes dans la mort :
quem quaerimus adiutorem nisi te, Domine ? Auprès de qui pouvons-nous chercher secours, sinon auprès de toi, Seigneur ?
Qui pro peccatis nostris iuste irasceris. Qui es justement irrité par nos péchés.
Sancte Deus, sancte fortis. Dieu saint, saint et puissant.
Sancte et misericors Salvator noster, Saint et miséricordieux, notre Sauveur,
amarae morti ne trada nos. Ne nous livre pas à la mort amère.
11 | Lugebat David Absalon | Nicolas Gombert | ***** |
Lugebat David Absalon, David pleura la mort d’Absalom,
pius pater filium, père pieux pour son fils,
tristis senex puerum : vieil homme triste pour son garçon :
heu me fili mi Absalon, hélas, mon fils Absalom,
quis mihi det ut ego pro te moriar, que ne suis-je mort à ta place,
O fili mi Absalon. Ô mon fils Absalom.
Rex autem David Quant au roi David,
filium cooperto flebat capite. Il pleura, la tête couverte, à cause de son fils.
Porro rex operuit caput suum, Puis le roi se découvrit la tête,
et clamabat voce magna : et cria d’une voix puissante :
fili mi Absalon. Mon fils Absalom.
Ce n’est que depuis une vingtaine d’années que Gombert (1495-1560) reçoit enfin l’attention qu’il mérite. Il ne vécut pourtant pas dans l’anonymat : on sait ainsi qu’il fut condamné aux galères à la fin des années 1530. Enfin, il nous reste de lui de nombreuses œuvres dont dix messes et cent soixante motets.
Lorsqu’on examine la structure de sa musique, on comprend la raison de cet oubli : elle est très difficile à suivre, que ce soit pour l’interprète ou l’auditeur. Des vagues de lignes déferlent les unes sur les autres, monumentales et irrépressibles tels des rouleaux du Pacifique. On n’a pas le temps de reprendre haleine – cela rappelle presque les œuvres pour cordes de Xenakis qui en avait assez que les interprètes laissent des « espaces » entre les notes.
Plus que la mise en relief des mots, c’est une visée ambitieuse qui prime : refléter la tonalité de textes très sombres. On retrouve davantage des prophéties apocalyptiques que de chants de célébration dans l’œuvre de Gombert (à l’exception d’hymnes marials tels que le Magnificat ou le Salve Regina). Même sa mise en musique du joyeux Haec Dies se termine en mode mineur. Dans certains passages du Credo à huit voix, presque tous les temps sont dotés de voix intermédiaires qui produisent un déséquilibre tonal et déconcertent l’auditeur. Les interprètes se soucient principalement de clarté, clarté d’autant plus facile à atteindre que chaque partie est chantée par une voix unique, du moins lorsque les voix sont aussi fiables que celles des membres d’Henry’s Eight.
Peter Quantrill, Les 1001 œuvres classiques qu’il faut avoir écoutées dans sa vie.