Missa l'homme armé - Missa Spiritus Almus - Flos de Spina (4,4/5)
Missa l’homme armé Antoine Busnois
01 | Kyrie | Antoine Busnois | **** |
02 | Gloria | Antoine Busnois | ***** |
03 | Credo | Antoine Busnois | **** |
04 | Sanctus | Antoine Busnois | ***** |
05 | Benedictus | Antoine Busnois | **** |
06 | Agnus Dei | Antoine Busnois | ***** |
07 | Anima mea liquefacta est | Antoine Busnois | **** |
Missa spiritus almus Petrus de Domarto
08 | Kyrie | Petrus de Domarto | **** |
09 | Gloria | Petrus de Domarto | ***** |
10 | Credo | Petrus de Domarto | **** |
11 | Sanctus | Petrus de Domarto | ***** |
12 | Benedictus | Petrus de Domarto | **** |
13 | Agnus Dei | Petrus de Domarto | **** |
14 | Gaude celestis domina | Antoine Busnois | **** |
15 | Flos de spina | Jean Pullois | ***** |
La Missa L’homme armé de Busnois a été l’une des œuvres les plus révérées de la fin du XVe siècle. Dufay, Basiron et Faugues la citent apparemment tous trois dans leurs propres messes basées sur cette mélodie, et deux compositeurs – Obrecht dans sa Missa L’Homme armé, et le compositeur anonyme d’une Missa de Sancto Johanne Baptista – en adoptent même toute l’organisation rythmique comme structure sous-jacente de leur messe. Son prestige est confirmé par le fait qu’elle survive aujourd’hui dans pas moins de sept manuscrits, chiffre record pour une composition de cette date (probablement les années 1460) ; et, qu’il s’agisse ou non, comme certains l’ont affirmé, de la plus ancienne messe composée sur cet air célèbre, celle du Busnois est indubitablement, de toutes, celle qui a eu le plus d’influence et d’autorité, ce que confirme le fait que deux théoriciens plus tardifs voient même en lui l’auteur de la chanson ayant servi de modèle.
La popularité de la messe L’homme armé semble être à la hauteur de la réputation du compositeur parmi ses contemporains, plus généralement. Johannes Tinctoris, le plus grand théoricien de la musique de son époque, a dédié un de ses traités conjointement à Busnois et à Ockeghem, et parle ailleurs de lui comme de l’un des plus remarquables compositeurs dont il ait entendu la musique. Sa réputation littéraire est corroborée par l’éloge que fait Tinctoris de sa maîtrise du latin, et par la composition, par le grand poète Jean Molinet, d’un poème qui lui est dédié, compliment retourné par le compositeur. En outre, la messe enregistrée ici est loin d’être la seule œuvre de Busnois a avoir été source d’émulation : toute une série de chansons et de messes de cette période utilisent ses chansons comme modèles.
La musique de Busnois nous le montre aussi, à un degré rare pour l’époque, comme une personnalité haute en couleurs. Un de ses buts est apparemment l’expression personnelle : il fait directement référence à lui-même dans deux de ses motets et inscrit son nom dans l’un d’entre eux – un motet adressé à Saint Antoine évêque, son saint patron – sous forme d’acrostiche. Moins à son honneur, mais sans doute tout aussi révélateur d’une forte personnalité, est l’épisode de jeunesse, désormais célèbre, qui le voit frapper et faire frapper par d’autres un prêtre, jusqu’au sang – non pas une seule fois mais à cinq reprises. C’est néanmoins au travers de sa musique que sa voix semble nous parvenir le plus puissamment, comme le constateront bien vite les auditeurs de la messe enregistrée ici.
Si tous les goûts musicaux ne peuvent survivre à un demi-millénaire, quiconque connaît la Missa L’homme armé de Busnois n’aura aucun mal à comprendre son prestige aux yeux de ses contemporains. Tout d’abord, c’est indubitablement l’une des pièces les plus fascinantes et les plus exaltantes du XVe siècle. Légendaire pour le langage virtuose de ses œuvres sacrées, Busnois bat ici tous ses records de pyrotechnie : il aurait été fascinant d’entendre la manière dont les premiers interprètes de l’œuvre – y compris, fort probablement, le compositeur lui-même – abordaient des procédés comme la célèbre montée de la basse sur une dixième, jusqu’au fa aigu, dans la deuxième partie du Gloria, ou l’ascension encore plus difficile (du moins pour les voix actuelles) jusqu’au sol aigu dans la section précédente. C’est une musique qui non seulement respire l’assurance mais en exige, en abondance, de la part de ses interprètes.
Mais il est question de bien autre chose ici que de simple virtuosité : Busnois a (pour une sensibilité moderne du moins) un sens sidérant de la synchronisation, tout semblant tomber de la plus heureuse manière, les différents matériaux élégamment sculptés s’assembler pour former une structure d’ensemble magistrale. Les points de détente sont ainsi aussi absorbants que les points de tension, la remarquable répartition et manipulation des rythmes, des hauteurs et du contrepoint semblant irrésistiblement emmener l’auditeur de l’avant. Tout paraît calculé de façon à l’attirer dans l’univers sonore souvent subtil et nuancé de Busnois, et il suffit d’écouter attentivement les lignes mélodiques gracieusement incurvées et doucement paroxystiques de passages aussi polyphoniquement épurés que la section « Christe » du Kyrie pour y percevoir la sincérité du sentiment et de l’expression.
Cette même splendeur quasi envoûtante est si frappante dans le motet marial Gaude celestis domina que, même s’il n’avait pas été identifié par Rob Wegman à partir d’une citation dans un écrit de Tinctoris, les auditeurs familiers de la production de Busnois y auraient aussitôt reconnu sa main. Une rythmique entraînante et souvent fortement syncopée, des passages énergiques à la dixième et de passionnants changements d’allure métrique et rythmique évoquent immédiatement l’écriture similaire d’In hydraulis et d’Incomprehensibilia firme.
Comparé à la messe et à Gaude celestis domina, le motet marial Anima mea liquefacta est a de quoi surprendre sur le plan stylistique. Tout en déployant des lignes mélodiques aussi longues et ductiles et en se concluant par un passage entraînant et syncopé dont le style rappelle certains passages d’autres œuvres de Busnois enregistrées ici, cette pièce présente le compositeur sous un éclairage assez différent, et beaucoup plus introspectif. Ses sonorités plus sombres, son association de voix graves, sa polytextualité (le ténor chante le texte du cantus firmus, le répons marial Strips Jesse) et son texte emprunté au Cantique des cantiques apparentent cette pièce, comme l’a démontré Paula Higgins, à un répertoire du début du XVe siècle, et un certain nombre de musicologues ont suggéré qu’il pourrait avoir été composé au début de la carrière du compositeur. Sa tonalité sombre donne à cet Anima mea un caractère plaintif de lamentation, ce qui incite Paula Higgins à supposer qu’il pourrait avoir été composé à l’occasion d’un décès dans la famille royale. Quelles que soient les circonstances de sa genèse, il s’agit d’une œuvre profondément sentie et émouvante qui, tout en se démarquant des autres compositions de Busnois, est également expressive d’un tempérament passionné.
Même une voix aussi personnelle que celle de Busnois n’émerge cependant pas du néant. L’une des influences les plus significatives dans son cas, comme le souligne un article de Rob Wegman qui en donne la première description détaillée, est l’autre messe enregistrée ici, la Missa Spiritus almus de Petrus de Domarto. Guère connu aujourd’hui, Domarto – ainsi qu’en témoigne une fois encore Tinctoris – jouissait d’une réputation considérable dans la seconde moitié du XVe siècle. Son approche du mètre, et notamment de l’organisation du cantus firmus, a peut-être initié une tendance que l’on retrouve dans une, voire deux messes de Busnois, son contemporain et apparemment son cadet : la Missa O crux lignum et la Missa L’ardant desir (s’il s’agit bien, comme le pense Rob Wegman, d’une œuvre de Busnois). Ces trois messes ont pour caractéristique commune de baser chaque section sur un air de même forte écrite, qui, régi par différentes notations mensuralistes (contrepartie des indications de mesure modernes), adopte des formes rythmiques variées lors de l’exécution. S’agissant de la messe de Domarto, cet air est la phrase mélismatique – sur les paroles « Spiritus almus » (« esprit nourricier ») – qui conclut le répons marial Stirps Jesse (voir le texte plus loin dans ce livret), également à la base d’Anima mea liquefacta est. Ce texte fait allusion à l’arbre de Jessé, « arbre généalogique », si souvent représenté dans les vitraux, faisant de Jessé, père de David, un ancêtre de la Vierge et du Christ.
Pourtant, ici s’arrête toute similitude entre les deux compositeurs : bien qu’à peine plus de dix ans séparent sans doute la messe de Domarto – probablement composée vers 1450 ou un peu plus tôt – et celle de Busnois, l’effet sonore est radicalement différent. Les joutes contrapuntiques de cette dernière œuvre, basées sur un entrelacs serré de lignes mélodiques énergiques, de schémas rythmiques sans cesse mouvants, et d’un complexe jeu motivique, contrastent ici avec une écriture stratifiée opposant fréquemment des parties graves en valeurs longues et des parties aiguës plus affairées, une tessiture plus grave dans l’ensemble, des idées mélodiques et rythmiques au souffle court et un jeu motivique essentiellement restreint à l’échange de brefs motifs entre les deux voix aiguës. Pour des oreilles contemporaines, accoutumées à une séduction plus immédiate, c’est une musique plus difficile d’accès. Mais, après quelques écoute, l’auditeur attentif (de même que les chanteurs au cours de leurs répétitions) s’aperçoit que ce langage est tout aussi prenant. Les variations de l’écriture – tantôt pleine et pondérée, tantôt dépouillée et plus animée – dessinent les contours généraux, tandis que les interactions enjouées entre voix aiguës et les interjections habiles de la basse enveloppent le cantus firmus d’une trame d’une finesse et d’un intérêt remarquables – bien que plus ponctuels que chez Busnois. Si la structure de cette œuvre a influencé le style des messes de Busnois et d’Obrecht, son langage, comme le fait remarquer Reinhard Strohm, est globalement plus proche de celui de cycles anglais comme l’anonyme Missa Caput et notamment, comme le souligne Rob Wegman, d’une des premières messes d’Ockeghem sur cette même mélodie.
Comme Domarto, Jean Pullois a passé une partie de sa carrière à l’église Notre-Dame d’Anvers, où il a notamment eu pour collègue Ockeghem, apparemment un de ses amis intimes. Bien que plus libre que la Missa Spiritus almus sur le plan rythmique, Flos de spina appartient clairement, par ses sombres sonorités et ses courtes cellules mélodiques, à la même période. A en juger par sa diffusion sous forme de manuscrits, ce motet était très admiré par ses contemporains, et l’on comprend rapidement pourquoi en l’écoutant : il serait difficile d’imaginer une œuvre au milieu du XVe siècle d’une beauté plus prenante, ou de trouver meilleure conclusion à ce programme. C’est comme si le compositeur avais mis toute son éloquence créatrice dans cette supplique à la Vierge Marie, suprême médiatrice de grâce et, pour les mortels du XVe siècle, suprême espoir de salut éternel.
Andrew Kirkman, carton CD original.
Missa l’homme armé Antoine Busnois
Missa spiritus almus Petrus de Domarto
01 | Kyrie | Antoine Busnois | **** |
08 | Kyrie | Petrus de Domarto | **** |
Kyrie eleison. Christe eleison. Seigneur, prends pitié. Christ, prends pitié.
Kyrie eleison. Seigneur, prends pitié.
02 | Gloria | Antoine Busnois | ***** |
09 | Gloria | Petrus de Domarto | ***** |
Gloria in excelsis Deo Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix,
et in terra pax hominibus bonae voluntatis. Sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Laudamus te. Benedicimus te. Nous te louons. Nous te bénissons.
Adoramus te. Glorificamus te. Gratias. Nous t’adorons. Nous te glorifions. Nous te
agimus tibi propter magnam gloriam tuam. Rendons grâce pour ton immense gloire.
Domine Deus, Rex caelestis, Seigneur Dieu, roi des cieux,
Deus Pater omnipotens, Dieu le Père tout-puissant,
Domine Fili unigenite, Iesu Christe. Seigneur Fils unique, Jésus-Christ,
Domine Deus, Agnus Dei, Filius Patris. Seigneur Dieu, agneau de Dieu, Fils du Père,
Qui tollis peccata mundi, toi qui enlèves les péchés du monde,
miserere nobis. Prends pitié de nous ;
Qui tollis peccata mundi, toi qui enlèves les péchés du monde,
suscipe deprecationem nostram. Reçois notre dépréciation ;
Qui sedes ad dexteram Patris, toi qui es assis à la droite du Père,
miserere nobis. Prends pitié de nous.
Quoniam tu solus sanctus. Car toi seul est saint.
Tu solus Dominus. Toi seul es Seigneur.
Tu solus altissimus, Iesu Christe. Toi seul es très haut, Jésus-Christ.
Cum Sancto Spiritu Avec le Saint-Esprit,
in gloria Dei Patris, Amen. Dans la gloire de Dieu le Père. Amen.
03 | Credo | Antoine Busnois | **** |
10 | Credo | Petrus de Domarto | **** |
Credo in unum Deum, Je crois en un seul Dieu,
Patrem omnipotentem Père tout-puissant,
factorem caeli et terrae, créateur du ciel et de la terre,
visibilium omnium et invisibilium. De toutes les choses visibles, et invisibles.
Et in unum Dominum Iesum Christum, Et en un seul Seigneur Jésus-Christ,
Filium Dei unigenitum. Fils unique de Dieu,
Et ex Patre natum ante omnia saecula. Né du Père avant tous les siècles,
Deum de Deo, lumen de lumine, Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière,
Deum verum de Deo vero. Vrai Dieu né du vrai Dieu,
Genitum, non factum, engendré, non pas créé,
consubstantialem Patri : consubstantiel au Père ;
per quem omnia facta sunt. Par qui toutes les choses furent créées.
Qui propter nos homines Qui, pour nous les hommes,
et propter nostram salutem et pour notre salut,
descendit de caelis. Descendit des cieux,
Et incarnatus est de Spiritu Sancto et prit chair de la Vierge Marie
ex Maria virgine : par le Saint-Esprit :
Et homo factus est. Crucifixus Et se fit homme.
Etiam pro nobis : sub Pontia Pilato Il fut aussi crucifié pour nous : sous Ponce Pilate,
passus et sepultus est. Il mourut et fut enseveli.
Et resurrexit tertia die Et il ressuscita le troisième jour.
Secundum scripturas. Conformément aux écritures.
Et ascendit in caelum : Et il monta au ciel :
sedet ad dexteram Patris. Il s’assit à la droite du Père.
Et iterum venturus est cum gloria Et il reviendra dans la gloire.
Iudicare vivos et mortuos : pour juger les vivants et les morts :
cuius regni non erit finis. Son règne n’aura pas de fin.
Et in Spiritum Sanctum, E credo nello Spirito Santo,
Dominum et vivificantem : et vivificateur :
qui ex Patre Filioque procedit. Qui procède du Père et du Fils,
Qui cum Patre et Filio simul qui, avec le Père et le Fils,
adoratur et conglorificatur ; est pareillement adoré et glorifié ;
qui locutus est per Prophetas. Qui a parlé par les prophètes.
Et unam sanctam catholicam Et en une sainte, catholique
et apostolicam Ecclesiam. Confiteor unum et apostologique église. Je reconnais un seul
baptisma in remissionem peccatorum. Baptême pour la rémission des péchés.
Et expecto resurrectionem mortuorum. Et j’attends la résurrection des morts
Et vitam venturi saeculi. Amen. Et la vie du monde à venir. Amen.
04 | Sanctus | Antoine Busnois | ***** |
11 | Sanctus | Petrus de Domarto | ***** |
Sanctus, sanctus, sanctus, Saint, saint, saint,
Dominus Deus Sabaoth. Seigneur des armées célestes.
Pleni sunt caeli et terra gloria tua. Le ciel et la terre sont emplis de ta gloire.
Osanna in excelsis. Hosanna au plus haut des cieux.
05 | Benedictus | Antoine Busnois | **** |
12 | Benedictus | Petrus de Domarto | **** |
Benedictus qui venit Béni soit celui qui vient
in nomine Domini. Au nom du Seigneur.
Osanna in excelsis. Hosanna au plus haut des cieux.
06 | Agnus Dei | Antoine Busnois | ***** |
13 | Agnus Dei | Petrus de Domarto | **** |
Agnus Dei, qui tollis peccata Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés
mundi, miserere nobis. Du monde, prends pitié de nous.
Agnus Dei, qui tollis peccata Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés
mundi, dona nobis pacem. Du monde, donne-nous la paix.
07 | Anima mea liquefacta est | Antoine Busnois | **** |
Anima mea liquefacta est ut dilectus locutus est Mon âme a fondu lorsque le bien-aimé a parlé
Quesivi illum et non inveni, Je l’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé
Vocavi et non respondit michi. J’ai appelé et il ne m’a pas répondu.
Inverunt me custodes murorum. Les gardiens des murs m’ont trouvé.
Percusserunt me et vulneraverunt me. Ils m’ont battu et blessé.
Tulerunt pallium meum custodes murorum. Les gardes des murs ont pris mon manteau.
Filie Jherusalem, Fille de Jérusalem,
Nuntiate dilecto quia amore langueo. Dis à ma bien-aimée que je meurs d’amour.
Stirps Jesse virgam produxit virgaque florem : L’arbre de Jesse produisait une tige et une tige de fleur :
Et super hunc florem requiescit spiritus almus. Et sur cette fleur repose l’esprit de la montagne.
14 | Gaude celestis domina | Antoine Busnois | **** |
Gaude celestis domina Réjouis-toi, dame céleste
Transgressa super agmina Traversé les pistes
Que cantant semper carmina Qui chante toujours des hymnes
Tuo benigno filio. A ton aimable fils.
Gaude quod tua facies Profitez de ce que vous faites
Illustret celi facies La face du soleil brille
Tuaque clara species Et ton apparence lumineuse
Ut mundum sol ex radio. Alors que le soleil rayonne du monde.
Gaude, cui obediunt Réjouis-toi, à qui ils obéissent
Et te revera sitiunt. Et ils ont vraiment soif de toi.
Tibi se subiciunt Ils te soumettent
Angeli obsequio. L’obéissance aux anges.
Gaude quod tui servuli Réjouis-toi que je sois ton serviteur
Nunc et in fine seculi, Aujourd’hui et à la fin du siècle,
Et hoc, in ictu oculi, et ceci en un clin d’œil,
Suo fruuntur premio. Ils profitent de leur premier prix.
Gaude Deo vicinior Réjouissez-vous plus près de Dieu
Et ad precandum potior, et je préfère prier
Tu quae cunctis potentior Toi qui est plus puissant que tout
In summo sedes solio. Au sommet du trône.
Gaude quod sanctos superas Réjouis-toi d’avoir vaincu les saints
In hoc questo imperas, Dans cette quête, vous commandez
Dum ad precandum tu prepares Alors que tu te prépares à prier
Ut potens mater filio. En tant que mère puissante pour son fils.
Gaude quia delectaris Réjouis-toi parce que tu es content
Dum a nato veneraris Alors que tu étais vénéré dès ta naissance
Et semper coniungaris Et tu es toujours connecté
Tanto digna filio. Digne de son fils.
Gaude quod tua gloria Réjouis-toi que ta gloire
Omnia carebit tristicia Tout sera dépourvu de tristesse
Perpes manes in primia En premier lieu, tu es mort
Deos nos reconcilia. Réconcilie-nous avec Dieu.
Que es mater cum filio Que tu es une mère avec un enfant
Ora, ut ipso tuo gaudio Priez pour votre propre joie
Fungamur in perpetuo. Travaillons à perpétuité.
Amen. Amen.
15 | Flos de spina | Jean Pullois | ***** |
Flos de spina procreatur Une fleur naît d’une épine
Et flos florum fecundatur Et la fleur de la fleur est fécondée
Misso rore celitus. Couvert de rosée.
Rorant celi, nubes pluunt, Le ciel est couvert de rosée, les nuages pleuvent,
Stillant montes, colles fluunt Les montagnes coulent, les collines coulent
Unda patet Veritas. La vérité est claire.
Quod celerat umbra legis Que l’ombre de la loi s’est précipitée
In natali summi regis Le jour de l’anniversaire du roi suprême
Totum patet homini. Tout est clair pour l’homme.
Elizeus incurvatur, Elysée s’inclina,
Verbum patris incarnatur, La parole du père s’est faite chair,
Verbum per quod filia La parole par laquelle le jugement
Babylonis visitatur, Est visitée sur la fille de Babylone,
Per quod salu predicatur Par lequel le salut est pêché
Illis de Samaria. à ceux de Samarie.
Antoine Busnois (1430-1492) débuta sa carrière à la cour de France, dans la vallée de la Loire, avant de rejoindre la cathédrale de Tours. Dès 1465, il occupait un poste à la collégiale de Saint-Martin où il fit la rencontre d’Ockeghem qui devint l’ami de toute une vie. Busnois fut ensuite chef des choeurs à Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers. En 1467, le compositeur apparaît dans les documents comme chantre du futur Charles le Téméraire, et à la mort de celui-ci, en 1477, il entra au service de sa fille Marie.
Busnois mettait parfois ses propres vers en musique, et incorporait souvent au texte un message secret ou une référence humoristique. Dans Anthoni usque limina, l’un des rares motet qui aient survécu, il joue sur les mots pour inclure son nom : « Anthoni usque limina… fiat in omnibus noys. »
On ne trouve toujours pas aujourd’hui d’enregistrement exclusivement dédié aux motets de Busnois. Celui présenté ici, par le Binchois Consort, comprend deux de ses motets marials : Anima mea liquefacta est et Gaude celestis domina. Le premier est une pièce à trois voix inspirée d’un extrait du Chant de Salomon. Ici, le ténor chante la mélopée Stirps Jesse selon une mélodie fixe, bien que la partie supérieure paraphrase aussi la mélopée précédente comme pour anticiper la voix du ténor. Les interprètes du Binchois Consort chantent avec une grande assurance et un sens sûr de la direction les longs mélismes que l’on trouve dans ce style de musique. Comme ses paroles le laissent deviner, Gaude Celestis est une pièce joyeuse que caractérisent des rythmes syncopés. Elle est interprétée avec légèreté et éclat.
Naomi Matsumoto, Les 1001 œuvres classiques qu’il faut avoir écoutées dans sa vie.
Cet album, publié à l’origine en 2002, est parti relativement rapidement dans la ligne budgétaire Helios d’Hyperion. Les ventes ont peut-être souffert du fait qu’Antoine Busnois n’est pas vraiment un grand nom de la Renaissance comme Josquin, dont la musique montre certainement son influence. Quoi qu’il en soit, si vous avez manqué l’album la première fois, il reste un très beau programme de musique sacrée de la fin du XVe siècle qui, à sa manière, peut être une sorte de pierre angulaire de la collection. En effet, la longue tradition des messes utilisant l’air de « L’homme armé » comme cantus firmus a peut-être commencé avec la Missa L’homme armé à quatre voix de Busnois qui ouvre le programme. Le chef d’orchestre Andrew Kirkman suggère même que Busnois aurait écrit la mélodie elle-même, ce qui est plutôt spéculatif. Mais les textures limpides de l’interprétation mettent en évidence les différentes façons dont Busnois utilise la mélodie et suggèrent ce que les compositeurs ultérieurs ont trouvé de si fascinant dans cette mélodie. Les forces en présence – huit hommes adultes, auxquels s’ajoute un alto dans un motet de Busnois plus loin dans le programme – sont musicalement hasardeuses mais magnifiques lorsque les chanteurs peuvent s’en sortir comme le fait le Binchois Consort de Kirkman. Le mélange est suffisamment serré pour ne pas sonner comme huit individus, mais suffisamment souple pour permettre aux chanteurs de réagir aux petits détails de la musique. L’album sert également d’introduction à Busnois et à son univers, avec deux de ses motets, un grand motet de Johannes Pullois à la fin, et une messe de Petrus de Domarto, un peu plus ancienne, la Missa Spiritus almus. Il s’agit de pièces rares, et chacune d’entre elles est une découverte bienvenue. Kirkman met l’accent sur les qualités de la première Renaissance dans la messe de Domarto, mais elle possède également une expressivité qui semble avoir influencé Busnois, avec des textures qui semblent respirer avec élaboration et expirer jusqu’à des passages de quasi-homophonie. L’environnement sonore de l’église All Saints dans la banlieue londonienne de Tooting (c’est elle, et non Pong Pong, qui abrite Ting Tong Macadangdang) est splendidement clair, et c’est un album qui a sa place dans toute bonne collection Renaissance.
**** James Manheim, All Music.