Guillaume Dufay - O Gemma Lux (4,92/5)
01 | Vasilissa ergo gaude | Guillaume Dufay | ***** |
02 | O Sancte Sebastiane | Guillaume Dufay | ***** |
03 | O gemma, lux et speculum | Guillaume Dufay | ***** |
04 | Apostolo glorioso | Guillaume Dufay | ***** |
05 | Rite majorem Jacobus | Guillaume Dufay | ***** |
06 | Ecclesie militantis | Guillaume Dufay | ***** |
07 | Balsamus et munda cera | Guillaume Dufay | ***** |
08 | Supremum est mortalibus | Guillaume Dufay | ***** |
09 | Nuper rosarum flores | Guillaume Dufay | ***** |
10 | Salve flos Tusce gentis | Guillaume Dufay | ***** |
11 | Magnanime gentes laudes | Guillaume Dufay | ***** |
12 | Fulgens iubar ecclesiae dei | Guillaume Dufay | ***** |
13 | Moribus et genere | Guillaume Dufay | **** |
Les treize motets isorythmiques de Guillaume Dufay (vers 1400-1474) appartiennent tous à la première moitié de sa carrière. En fait, le dernier, probablement composé en 1442, pourrait être considéré comme un adieu symbolique au Moyen Age. Cet ensemble ne constitue pas en lui-même un cycle unifié, mais chacune des œuvres est une pièce de circonstance, parfois écrite à plusieurs années d’intervalle des autres. Toutefois, sur le plan esthétique, elles se définissent toutes par un seul dénominateur commun : dans chacun de ces treize motets, Dufay utilise une même technique, l’isorythmie.
Le motet isorythmique est une œuvre dans laquelle une formule rythmique, ou période, est constamment répétée dans une ou plusieurs voix, alors que le matériel mélodique change. Cette période rythmique revient de deux à huit fois dans les cas extrêmes. Le nombre de répétitions dépend évidemment de la longueur de la période rythmique, qui peut varier de deux groupes de quatre brèves ou longae jusqu’à quarante. Cette isorythmie doit apparaître à la partie de tenor, mais peut également être utilisée dans d’autres parties. Dans certains motets isorythmiques de Dufay, il se trouve que toutes les voix doivent être « soumises » au traitement isorythmique (« panisorythmie »). Naturellement, la formulation rythmique varie d’une voix à une autre, sinon il s’agirait d’homophonie.
Le terme « isorythmie » est en fait récent : le musicologue allemand Friedrich Ludwig l’a inventé à la fin du XIXe siècle lorsqu’il a découvert et décrit le phénomène des motets du XIIIe siècle.
Le color et la talea, deux concepts inhérents à la nature même de l’isorythmie, sont toutefois mentionnés dès le XIIIe siècle (par Johannes de Garlandia dans son ouvrage De Mensurabili Musica) et au XIVe siècle (par Johannes de Muris dans son ouvrage Libellus Cantus Mensurabilis). Talea est le terme employé pour désigner la période rythmique répétée, alors que color désigne la mélodie répétée.
Au XIVe siècle, le principe de l’isorythmie ne se limite alors plus au seul tenor, mais peut s’appliquer à d’autres voix, ce qui implique que la longueur de la période isorythmique ne coïncide pas toujours selon les différentes voix. Au moment essentiel de l’isorythmie, c’est-à-dire à la fin d’une talea, la complexité rythmique s’intensifie au moyen de hoquets (syncopatio et notes nettement plus courtes). Ces passages constituent des moments importants car la structure interne du motet remonte à la surface : le contraste entre la virtuosité de la structure rythmique à la fin d’une talea et le calme qui marque généralement le début de la suivante est frappant, même à la première écoute.
Le motet isorythmique a sans aucun doute connu son développement le plus important à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle. Il a atteint son point culminant dans le cycle de Guillaume Dufay, où la talea finale de l’oeuvre est désormais composée en diminution. En outre, cette tendance s’affirme dans les derniers stades de l’évolution du motet isorythmique. Le color (la mélodie) peut notamment être répété sous quatre formes rythmiques différentes, à condition que les répétitions s’inscrivent les unes par rapport aux autres dans un rapport mathématique donné.
Bien que les treize motets isorythmiques de Dufay ne constituent pas un cycle à part entière, ils apportent beaucoup d’éclaircissements sur l’évolution du style du compositeur. Pour cette raison, les œuvres sont exécutées par ordre chronologique dans cet enregistrement. On remarquera que, sur le plan esthétique, les derniers motets diffèrent énormément des premiers. Une vingtaine d’années se sont écoulées entre les deux groupes. Les premières œuvres suivent les lignes d’un schéma « gothique » strictement mathématique, avec des figures rythmiques capricieuses dans lesquelles la beliezza coïncide avec le caractère monumental de la structure architecturale. Par contre, les œuvres plus tardives s’avèrent beaucoup plus majestueuses et tranquilles dans leur conduite mélodique. Les cadences finales claires apportent à la construction largeur et plénitude, et annoncent déjà une approche humaniste des textes. Dans le n°8, par exemple (Supremum est mortabilis), daté de 1433, Dufay utilise pour la première fois dans ses motets isorythmiques la technique du faulx-bourdon, ce qui lui permet d’atteindre une plus grande clarté du texte grâce à des successions « verticales » (en accords).
Dans les années 1440, le compositeur a dû se rendre compte que les contraintes strictement mathématiques du motet isorythmique n’avaient plus d’avenir à une époque où l’expression personnelle, la sensualité des sonorités polyphoniques et une approche humaniste du contenu textuel prenaient de plus en plus d’importance. En ce sens, ces motets représentent à la fois le zénith du concept polyphonique médiéval préparé par Machaut, Dunstable et Ciconia, et la fin d’un concept formel qui convenait totalement à Dufay auparavant. Ses motets isorythmiques constituent en quelque sorte une vision musicale « accélérée » du déclin du Moyen Age.
En conclusion, quelques remarques sur l’exécution, la réalisation et la composition des œuvres, ainsi que sur la façon de les écouter :
- Il est recommandé à l’auditeur d’écouter avec attention (et à plusieurs reprises) chacune des œuvres isolément, sans l’apparenter aux autres.
- Les deux transcriptions existantes (de De Van et de Besseler) ne constituent pas des partitions adaptées à l’exécution. La première regorge d’inexactitudes mélodiques et rythmiques, et, dans la seconde, certaines transcriptions des proportions et certains accords finaux sont douteux (les liaisons finales sont parfois interprétées comme des accords où surviennent des tierces dans le dernier accord!). En outre, la transcription des textes est bien souvent un « arrangement » au sens le plus péjoratif du terme.
Nous avons donc réalisé notre propre transcription, qui repose sur toutes les sources existantes. Les musiciens et chanteurs disposent de parties séparées et non de la grande partition.
- La plupart des motets sont « pluritextuels » (différents poèmes étant chantés en même temps), caractéristique du motet isorythmique. Ecclesie militantes (n°6) comporte par exemple trois textes chantés simultanément – ce qui constitue peut-être un obstacle au regard des habitudes modernes d’écoute « verticale » ; c’était pourtant une condition sine qua non des attitudes esthétiques de l’auditeur du Moyen Age dont l’oreille était exercée à la polyphonie.
- Le principe de la proportion est strictement observé. Aucun changement de tempo n’a été appliqué afin de ne pas créer le moindre déséquilibre dans les rapports mathématiques.
- Les motets isorythmiques commencent en majeure partie par un exordium (introduction) à deux voix. Il s’agit parfois déjà du début du schéma mathématique, mais, dans d’autres motets, la structure isorythmique commence juste après l’introduction, lorsque entrent les autres voix (instrumentales).
- Il existe une différence fondamentale entre les tenores instrumentaux, qui avancent généralement assez lentement (en longae et brevae), et les voix supérieures chantées sur des textes, qui sont écrites dans des tempi et des prolations plus animés (utilisant des semi-brevae et des minimae).
- Les motets ont été écrits à l’occasion d’événements politiques, sociaux ou culturels importants. Dans bien des cas, des effectifs plus ambitieux (comprenant des instruments) étaient requis. Les récits de l’époque soulignent le caractère pompeux des exécutions en de telles circonstances. Un témoin oculaire de l’exécution de Nuper Rosarum Flores (n°9), l’Italien Giannozzo Manetti, a écrit ce qui suit : « … Tout d’abord, on observait une rangée immense de sonneurs de trompette, de joueurs de lyre et de flûte ; chacun portant en ses mains son propre instrument – trompette, lyre, flûte – s’était paré de vêtements étincelants de lumière… Dans une parfaite sublimation de cet ensemble vénérable, de si belles musiques et accords harmonieux, surtout une telle concordance entre les divers instruments, résonnaient en tous lieux, magnifiquement. A tel point que les mélodies des anges et du divin paradis, et les chants descendant du ciel jusqu’à nous, ici-bas, en raison d’une incroyable douceur, paraissaient à juste titre murmurer à nos oreilles je ne sais quoi d’ineffable et de divin… »
Paul Van Nevel, carton original CD.
01 | Vasilissa ergo gaude | ***** |
Motet composé pour le départ de Cleophe Malatesta de Rimini, le 20 août 1420. Le 19 janvier 1421, elle épousait à Mistra Theodorus, fils de l’empereur byzantin Emmanuel Paleologus.
02 | O Sancte Sebastiane | ***** |
Motet en l’honneur de saint Sébastien, martyr (20 janvier), peut-être composé à l’occasion de l’épidémie de peste de Ferrara.
03 | O gemma, lux et speculum | ***** |
Motet au commanditaire incertain (peut-être Nicolo III, Marquis de Ferrara).
04 | Apostolo glorioso | ***** |
Composé pour l’évêque de Patras, Pandolfo Malatesta, à l’occasion de la consécration de l’église Saint-André.
05 | Rite majorem Jacobus | ***** |
Les deux textes forment l’acrostiche « Robertus Auclou curatus sancti Jacobi ». Motet vraisemblablement composé pour Robert Auclou, recteur de l’église Saint Jacques de la Boucherie et secrétaire du cardinal Louis Aleman d’Arles, légat du pape à Bologne.
06 | Ecclesie militantis | ***** |
Ecrit pour l’accession du Vénitien Gabrieli Condulmieri à la couronne pontificale sous le nom d’Eugene IV le 11 mars 1431.
07 | Balsamus et munda cera | ***** |
Composé à l’occasion de la bénédiction et de la distribution des « Agnus Dei » (objets en cire) à Rome par Eugène IV, le 7 avril 1431.
08 | Supremum est mortalibus | ***** |
Composé pour l’entrée du roi Sigismond à Rome, à l’occasion de la paix de Viterbe (1433).
09 | Nuper rosarum flores | ***** |
Composé pour la bénédiction de la coupole du dôme de Florence par le pape Eugène IV le 25 mars 1436.
10 | Salve flos Tusce gentis | ***** |
Composé à la louange de Florence à l’époque où Defay y séjournait comme membre de la chapelle pontificale. Le compositeur est également l’auteur du texte en hexamètres.
11 | Magnanime gentes laudes | ***** |
Ecrit pour la commémoration de l’alliance entre Berne et Fribourg, le 3 mai 1438. Dufay est alors inscrit dans les registres de la cour de Louis de Savoie.
12 | Fulgens iubar ecclesiae dei | ***** |
Peut-être composé en 1442 pour un confrère de Cambrai, le maître de choeur Pierre du Castel. Le texte du motet contient l’acrostiche « Petrus de Castello canta ».
13 | Moribus et genere | **** |
Probablement écrit vers le milieu des années 1440, en hommage à la ville de Dijon où Dufay s’est rendu comme émissaire diplomatique.
01 | Vasilissa ergo gaude | ***** |
Vasilissa, ergo gaude, Princesse, réjouis-toi donc,
Quia es digna omni laude, Car tu es digne de tout éloge,
Cleophe, clara gestis Cléophe, illustre par les exploits
A tuis de Malatestis, Des tiens de Malatesta,
In Italia principibus Princes en Italie,
Magnis et nobilibus ! Grands et nobles !
Ex tuo viro clarior, Ton époux te fit plus illustre encore,
Quia cunctis est nobilior : Car il est plus noble que tous :
Romeorum est despotus, Des Romains, il est le maître,
Quem colit mundus totus ; Qu’honore le monde entier ;
In Porphyro est genitus, Il fur conçu dans du porphyre,
A deo missus coelitus. Envoyé céleste de Dieu.
Juvenili aetate pollens Dans la force de ton jeune âge,
Et formositate volens, Et dans la vigueur de ta beauté,
Multum genio fecunda Très féconde en génie,
Et utraque lingua facunda Et faconde en l’une et l’autre langue,
Ac clarior es virtutibus Tu es plus illustre encore pour tes vertus,
Prae aliis his omnibus. Bien au-delà de tout le reste.
02 | O Sancte Sebastiane | ***** |
O Sancte Sebastiane, O saint Sébastien,
Semper, vespere et mane, Toujours, matin et soir,
Horis cunctis et momentis A tous heures et moments,
Dum adhuc sum sanae mentis, Tant que je suis sain d’esprit,
Me protege et conserva Protège-moi et préserve-moi,
Et a me, martyr, enerva Et de moi, martyr, retire
Infirmitatem noxiam La coupable faiblesse
Vocatem epidemiam. Qu’on nomme épidémie.
Tu de peste hujusmodi Toi, d’un fléau de ce genre,
Me defende et custodi Défends-moi et garde-moi,
Et omnes amicos meos, Moi et tous mes amis,
Qui nos confitemur reos Qui nous confessons coupables
Deo et sanctae Mariae A Dieu, à sainte Marie,
Et tibi, o martyr pie. Et à toi, ô pieux martyr.
Tu Mediolanus civis Toi, citoyen milanais,
Hanc pestilentiam, si vis Cette peste, si tu veux,
Potes facere cessare Tu peux la faire cesser,
Et ad Deum impetrare Et obtenir cela de Dieu,
Quia a multis est scitum Car beaucoup savent
Quod de hoc habes meritum. Que tu as mérité cette faveur de lui.
Zoe mutam tu sanasti Zoé, la muette, tu l’as soignée
Et sanatam restaurasti Et l’a rendue, guérie,
Nicostrato ejus viro, A son époux Nicostrate,
Hoc faciens modo miro. Faisant là un miracle.
In agone consolabas Dans l’agonie, tu consolais.
Martyres et promittebas Les martyrs et leur promettais
Eis sempiternam vitam La vie éternelle
Et martyribus debitam. Due aux martyrs aussi.
Amen. Amen.
O martyr Sebastiane, O martyr saint Sébastien,
Tu semper nobiscum mane Reste toujours avec nous,
Atque per tua merita Et par tes mérites,
Nos, qui sumus in hac vita, Garde-nous, nous qui sommes dans cette vie,
Custodi, sana et rege Soigne-nous et conduis-nous,
et a peste nos protege Et de cette peste protège-nous,
Praesentans nos trinitati Nous présentant à la Trinité
Et virgini sanctae matri. Et à la Sainte Vierge mère.
Et sic vitam finiamus, Et puissions-nous finir ainsi notre vie,
Quod mercedem habeamus Puissions-nous avoir la récompense
Et martyrum consortium Du commun des martyrs,
Et Deum videre pium. Et contempler notre Dieu juste.
O quam mira refulsit gratia O comme il a resplendi de cette grâce extraordinaire.
Sébastianus, martyr inclytus, Sébastien, illustre martyr.
Qui militis portans insignia, Qui, portant les insignes du soldat,
Sed de fratum palma sollicitus Mais touché par les prières de ses frères,
Confortavit corda pallencia Réconforta les coeurs défaillants
Verbo sibi collato caelitus. Par sa parole inspirée du ciel.
03 | O gemma, lux et speculum | ***** |
O gemma, lux et speculum O perle, lumière et miroir
Totum perlustrans saecculum, Illuminant tout le siècle,
Vas almum Italiae. Vase nourricier de l’Italie,
Modo praesens oraculum Qu’un oracle aussitôt efficace
Tuum trahat spectaculum Apporte ton spectacle
Nostrum in levamine ! Pour notre élévation !
Sponte relinquens Graeciam Laissant volontairement la Grèce,
Duceris in Apuliam Tu es conduit en Apulie,
Barinam gubernando. Faisant voile vers Bari.
Ab hoste tuens patriam Protégeant la patrie des ennemis,
Coelestem tu per gloriam Toi, dans la gloire céleste,
Inhabitas laetando. Tu vis joyeux.
Pro expulsis languoribus Pour ces faiblesses bannies,
Fugatisque daemonibus Et ces démons mis en fuite,
Populis en jubilat. Voici que le peuple laisse exploser sa joie.
Exhaltis clamoribus Au milieu des cris
Manat liquor marmoribus : Du liquide s’écoule du marbre ;
Liniti gradiuntur, En ligne, on s’avance,
Priscis dantur fervoribus En s’abandonnant aux anciennes ferveurs
Qui carebant jam motibus, Ceux qui manquaient d’ardeur,
Salutem sortiuntur. Ils décident de leur salut.
Sacer pastor Barensium, Saint pasteur de Bari,
Regule pontificium, Jeune roi des pontifes,
Nicolae praesul, audi Nicolas, notre guide, écoute
Has voces supplicantium Ces voix qui te supplient
Conferendo praesidium, De leur venir en aide,
Ut hiscant tuae laudi ! Pour qu’ils chantent ta louange !
Abstulisti opprobia, Tu as enlevé ta honte
Talenti fulvi gratia, Qu’est l’amour de l’or,
Tunc duplam reddidisti. Contre un amour qui vaut le double.
Et Deo caeli serviens Et servant le Dieu du ciel,
Et populo subveniens Et secourant le peuple,
Cereres impartisti. Tu as partagé le blé.
In marisque naufragio Et dans le naufrage en mer,
Plebes in te devotio La dévotion du peuple à ton égard
Succrescit et collata S’éleva et la prière
Habet vires oratio Qui unit les voix prend force,
Ac per te fraudis actio Et par toi, l’acte de mauvaise foi
Discedit in se data. S’effondre sur lui-même.
04 | Apostolo glorioso | ***** |
Apostolo glorioso, da Dio electo Glorieux apôtre, élu par Dieu
A evangelegiare al populo Greco Pour donner au peuple grec
La sua incarnacion che vera ceco, La bonne nouvelle de son incarnation, à laquelle il restait aveugle,
Et cusi festi senza alcun suspecto, Et l’était sans vergogne,
Et eligisti Patrasso per tuo lecto, Toi qui choisis Patras pour te reposer,
Et per sepulcro questo sancto speco : Et pour sépulcre cette caverne sainte :
Prego te, preghi me retrove teco, Je t’en prie, puissé-je me retrouver avec toi,
per li tuoi merci, nel devin conspecto. Par ta miséricorde, devant Dieu,
Cum tua doctrina convertisti a Cristo Avec ta doctrine, tu convertis au Christ
Tuto el paese, et cum la passione et morte Tout le pays, et avec la passion et la mort
Che qui portasti in croce in su lo olivo. Que tu portas en croix au-dessus de l’olivier.
Mo é prolasso in errore Maintenant, il a sombré dans l’erreur
et facto tristo, et s’est converti au mal ;
Si che rempetraglie gracia si forte Aussi, accorde-lui de nouveau ta grâce, si puissante
Che recognoscano Dio vero et vivo. Qu’il reconnaisse le vrai Dieu vivant.
05 | Rite majorem Jacobus | ***** |
Rite majorem Jacobus canamus, Selon l’usage, chantons Jacques le Majeur,
Ordinis summi decus, o fideles Gloire de l’ordre suprême, ô fidèles.
Blanda sit semper tibi sors viator. Que le destin qui trace la route te soit toujours doux.
Exite, laudes, hominum patrono ! Louanges au patron des hommes !
Rebus et frater paribus Jesus Lui et son frère ont vu également tous deux
Tam novas Christi facies uterque Le visage si nouveau du Christ ;
Visit ; ut Petrus sequitur magistrum Comme Pierre, il suivit le maître
Sponte, dilectus fieri alumnus. De son propre chef, pour devenir le disciple aimé.
Audivit vocem Jacobi sonoram Il entendit la voix sonore de Jacques
Corda divinis penitus moventem Et son coeur fut ému par sa divinité,
Legis acceptae Pharisaeus hostis ; Le Pharisien ennemi de la loi reçue de Dieu ;
Ora conversus lacrimis rigavit. Converti, il baigna son visage de larmes.
Vinctus a turba prius obsequente. Lui qui était auparavant attaché à la foule complaisante.
Cum magus sperat Jacobum ligare, Quand un mage espérait ligoter Jacques,
Vertit in penas rabiem furoris, Il convertit en expiation la rage de sa folie,
Respuit tandem magicos abusus. Et, finalement, rejetta la magie trompeuse.
Artibus summis miseri reclusi, Les malheureux enfermés en haut des citadelles,
Tanta qui fidunt Jacob merenti, Ont été ainsi récompensés de leur foi en Jacques :
Vinculis ruptis petier terram Ils ont rompu leurs liens, et retrouvant la terre ferme,
Saltibus gressu stupuere, planam. Bondissant de joie, ils se sont étonnés de pouvoir avancer.
Sopor annosae paralysis altus Le sommeil profond d’une année de paralysie
Accitu sancti posuit rigorem. Déposa sa raideur à l’appel du saint
Novit ut Christi famulum satelles, Lorsque le serviteur reconnut le ministre du Christ,
Colla dimisit, venerans ligatum. Il libéra respectueusement le cou du ligoté.
Tu patri natum laqueis iniquis Tu sauves pour le père le fils étranglé
Insitum servas. Dans d’iniques lacets.
Duce te precamur : Nous te prions, ô notre guide :
Jam mori vi non metuat viator, Que le voyageur n’ait plus peur de mourir violemment
At suos sospes repetat penates ! Et que, sain et sauf, il regagne ses pénates.
Corporis custos animaeque fortis, Courageux gardien du corps et de l’âme,
Omnibus prosis baculoque sancto Sois à nos côtés, et de ton saint soutien,
Bella tu nostris moveas ab oris. Ecarte de nos contrées les guerres.
Ipse sed totum tege jam Robertum ! Mais en personne, protège désormais totalement Robert.
06 | Ecclesie militantis | ***** |
Ecclesie militantis, Siège de l’Église militantes
Roma, sedes triumphantis Et triomphante jusqu’aux cieux
Patri sursum sidera Pour le Seigneur,
Tamen cleri resonantis Siège aussi du clergé qui fait entendre
Laudem pontifici dantis Et résonner sa louange au Pontife,
Promat voce libera ! Rome fait entendre sa voix libérée !
Gabrielem quem vocacit, Celui qu’elle appela Gabriel
Dum paternum crimen lavit, Quand elle lava le péché originel
Baptismatis sumptio, En lui donnant le baptême,
Eugenium revocavit Elle l’a renommée Eugène,
« Bonum genus » quod notavit Ce qui signifie « Bien né »,
Pontificis lectio. En l’élevant Pape.
Quod consulta contio, Ce qui pesa dans l’assemblée,
Qua nam sancta ratio La raison sainte
Sic deliberavit, Qui prima à la délibération,
Ut sola devotio C’est que la dévotion seule
Regnet in palatio Règne dans le palais
Quod Deus beavit. Que Dieu a béni.
Certe Deus voluit Il est sûr que Dieu l’a voulu
Et in hoc complacuit Et en cela, il a comblé
Venetorum proli ; La lignée des Vénètes ;
Sed daemon indoluit, Mais le Démon souffrit,
Quod peccatum defuit Car en tout cela,
Tantae rerum moli. Le péché n’a pas eu de part.
Dulcis pater populi, Doux Père du peuple,
Qui dulcorem poculi, Toi qui frissonnes devant
Crapulam perhorres, La douceur et l’ivresse du vin,
Pone Lento consuli Remets au consul Lentus
Rem gregi pauperculi, Le ministère du pauvre troupeau,
Ne nescius erres ! Pour ne pas risquer, dans l’ignorance, de te tromper.
Pater haerens filio Père uni au Fils
Spiritus confinio Et consubstantiel à l’Esprit,
Det prece solemni Donne par la prière solennelle
Gaudium Eugenio, La joie à Eugène,
Perfecto dominio, Ce maître parfait,
In vita perenni ! Pour une longue vie.
Amen. Amen.
Sanctorium arbitrio Par l’arbitrage des saints,
Clericorum proprio Par le choeur méditant
Cordo meditanti, Des clercs eux-mêmes,
Nequam genus atrio Que le genre vil
Recedat ludibrio Se retire du seuil
Umbrae petulanti, Au rire insolent de l’ombre,
Nam torpens inertia Car l’indolence engourdie
Longa quaerens otia Qui cherche l’éternelle oisiveté,
Nescivit Eugenium ; Ne connaît pas Eugène ;
Sed juris peritia Mais la maîtrise du droit
Cum tota justitia Et la justice toute entière,
Sunt ejus ingenium. Voilà ses qualités propres.
Hinc est testimonium : C’en est la preuve :
Pacem quaerit omnium Il recherche la paix de tous,
Exosus piaculi : Abomine l’impiété ;
Et trinum daemonium Et il triomphe du triple Démon,
Daemonis et carinum Et de son équipage,
Pompam vincit saeculi. Il règne sur la pompe du siècle.
Quem color ipsi Poli Toi que le peuple vénère,
Dic scutum, quod attuli Dis quel bouclier je t’ai offert,
Tibi, pater optime, Père très bon,
Sacrum det, quod oculi Et donne-lui la sainteté,
Tui instar speculi Que nos yeux t’y voient
Cernant nitidissime ! Comme dans un miroir éclatant.
Eja te, pulcherrime, Et toi, très belle,
Querimus tenerrime, Nous te cherchons, très tendre,
Moram longi temporis Dans l’attente d’un temps éternel,
Ducimur asperrime, Et tu nous conduis à travers les affres.
Nescio quo, ferrime Je ne sais où, de ta main de fer,
Ad fulmentum corporis Jusqu’au foudroiement du corps.
Una tibi trinitas Que l’Une Trinité,
vera Deus unitas Dieu, vraie Unité,
det coeli fulgorem, Te donne l’éclat du ciel,
Quem linea bonitas, Que sa douceur de coton,
Argentea castitas Que sa chasteté d’argent
Sectavit in morem. Amen Ont suivi dans tes mœurs. Amen.
Bella canunt gentes, querimur, Les peuples chantent les guerres, et nous plaignons,
pater optime, tempus : Père très bon, notre temps :
Expediet multos, si cupis, una dies. Un seul jour, si Tu le veux, en délivrera beaucoup.
Nummus et hora fluunt magnumque iter L’argent et le temps sécoulent, et le grand chemin du Monde
orbis agendum Doit s’accomplir ;
Nec suus in toto noscitur orbe Deus. Or son Dieu n’est pas connu en tous points du globe !
Amen. Amen.
07 | Balsamus et munda cera | ***** |
Balsamus et munda cera Le baume, la cire pure,
cum chrismatis unda L’eau mêlée au chrême,
Conficiunt agnum, quem do tibi Voilà qui constitue l’agneau que je te donne,
muneri magnum Ce grand agneau, en récompense,
Fonte velut natum, comme né d’une source,
per mystica sanctificatum : Sanctifié par les mystères :
Fulgura desursum depellit et omne malignum, Il repousse les foudres du ciel et tout ce qui est mal.
Praegnans servatur. Celle qui va enfanter est sauvée,
sine ve partus liberatur ; et elle est libérée sans souffrance ;
Portatus mundae servat a fluctibus undae, Celui qu’elle a porté nous sauve des flots agités.
Peccatum frangits ut Christi sanguis et angit, Il brise le péché, comme le sang du Christ, et l’étrangle,
Dona refert dignis virtutem destruit ignis, Il rapporte des présents à ceux qui en sont dignes et détruit la puissance du feu,
Morte repentina servat Sathanaeque ruina. Et nous préserve de la mort soudaine et du désastre de Satan.
Alleluja. Alléluia.
Si quis honoret eum, Quiconque l’honore
retinet ab hoste triumphum. Triomphera de l’ennemi.
Alleluja. Alléluia.
08 | Supremum est mortalibus | ***** |
Supremum est mortalibus bonum La paix est pour les mortels
Pax, optimum summi Dei donum. Le bien suprême, le meilleur cadeau du Dieu Très-Haut.
Pace vero legum praestantia De fait, c’est dans la paix que les lois
Viget atque recti constantia ; Montrent leur superiorité, et le droit de sa constance ;
Pace dies solitus et laetus, Dans la paix le jour est sans histoire et joyeux,
Nocte sonus trahitur quietus ; Et la nuit, le bruit n’amène pas d’inquiétude ;
Pax docuit virginem ornare La paix a appris à la jeune fille à parer
Auro comam crinisque nodare ; Sa coiffure d’or et à nouer ses cheveux ;
Pace rivi psallentes et aves Dans la paix, les ruisseaux semblent chanter,
Patent laeti collesque suaves Les oiseaux, joyeux, étendent leurs ailes, les collines sont douces.
Pace dives pervadit viator, En paix, le riche voyageur va à son gré,
Tutus arva incolit arator. Le paysan cultive en sécurité ses champs.
O sancta pax, diu expectata, O sainte paix, tant attendue,
Mortalibus tam dulcis, tam grata, Si douce aux mortels, si chère,
Sis eterna, firma, sine fraude, Sois éternelle, solide, sans perfidie,
Finem tecum semper esse gaude, Réjouis-toi que tout se termine toujours par toi.
Et qui nobis, o pax, te dedere Et ceux qui t’ont donnée à nous, ô paix,
Possedeant regnum sine fine : Que leur royaume n’ait pas de fin :
Sit noster hic pontefex eternus Que notre pontife soit éternel,
Eugenius et rex Sigismundus ! Eugène, et notre roi, Sigismond !
09 | Nuper rosarum flores | ***** |
Nuper rosarum flores Des fleurs de roses,
Ex dono pontificis Don du pontife,
Hieme licet horrida Après le terrible hiver,
Tibi, virgo coelica, Pour toi, vierge céleste,
Pie et sancte deditum Pieuse et sainte, viennent décorer
Grandis templum machinae L’église qui t’est dédiée,
Condecorarunt perpetim. Avec cette grande coupole, pour toujours.
Hodie vicarius Aujourd’hui, le ministre
Jesu Christi et Petri De Jésus Christ, Eugène,
Successor Eugenius Successeur de Pierre,
Hoc, idem amplissimum A eu l’honneur
Sacris templum manibus De consacrer cette même église immense
Sanctisque liquoribus De ses saintes mains sacrées
Consecrare dignatus est. Pleines d’offrandes.
Igitur, alma parens Donc, mère nourricière,
Nati tui et filia, De ton fils, fille pourtant,
Virgo decus virginum, Vierge parangon des vierges,
Tuus te Florentiae Ton peuple de Florence,
Devotus orat populus, Dévoué, te prie,
Ut qui mente et corpore Que quiconque, agité de corps et d’esprit,
Mundo quicquam exorarit S’il t’en prie,
Oratione tua Mérité de recevoir,
Cruciatus et meritis Par ta prière,
Tui secundum carnem S’il est dans la peine,
Nati domini sui Le rachat des pécheurs,
Grata beneficia Grâce bienfaitrice
Veniamque reatum Du Seigneur ton fils
Accipere mereatur. Né de ta chair.
Amen. Amen.
10 | Salve flos Tusce gentis | ***** |
Salve flos Tusce gentis, Florentia, salve, Salut, fleur de la gent Toscane, Florence, salut,
O salve, Italici gloria magna soli, O salut, grande gloire du soleil d’Italie.
Salve, que doctos felix Salut, mère bienheureuse de tant de rejetons savants,
tot mater alumnos Toi qui engendras tant de grands hommes,
Tot generas magnos consilia atque fide, Grands par leurs avis et par leur foi,
Quae tot praestantes religione viros, Toi qui enfantas tant d’hommes distingués par leur
integritudine gignis, étonnante intégrité.
Quae tot praestantes religione viros, Tant d’hmmes distingués pour leur religiosité,
Salve, cui debet quodcumque Salut, toi à qui est redevable
est artis honestae Tout ce qui touche l’art honorable,
Ingenii quicquid quicquid Tout ce qui touche au génie
et eloquii est. Et tout ce qui touche à l’éloquence.
Salve, quae fama totum diffusa per orbem Salut, toi qui répands à la travers le monde entier ta renommée,
Et vehis et natos mittis ad astra tuos. Et élèves tes enfants jusqu’aux cieux.
Nunc cecini et gratis voces Maintenant, j’ai chanté, et les voix agréables et
placuere canore, charmeuses par leur chant,
Praemia, mercedes nec petiere simul. Ont demandé ensemble récompense et salaire,
Fessus ego haud cantu, Moi, je suis loin d’être fatigué par mon chant,
vos en defessa canendo, , Mais vous, vous voilà épuisés d’avoir chanté,
Sed tu carminibus vive canenda meis ! Et pourtant, il faut que mes chants entonnent la louange !
Vos nunc, Etrusce iubar, salvete puellae. Or vous, lumière des Toscans, salut, jeunes filles.
Sic sedet hoc animo Ainsi en est-il dans mon âme, et ce n’est pas sans
nec sine amore moror. Amour que j’y demeure.
Stant foribus Nymphis similes, stant A vos portes, semblables à des Nymphes,
Naiades utque Elles se tiennent, Naïades,
Aut ut Amazonides aut procidives Venus. Comme des Amazones ou des épigones de Vénus.
Fervet in amplexus atque Chacun s’échauffe dans leur étreinte et leurs doux
oscula dulcia quisque : baisers ;
Si semel has viderit, captus amore cadet. Dès qu’on les voit, on tombe pris d’amour.
Ista, deae mundi, vester per saecula cuncta, Déesses du monde, moi, vôtre pour tous les siècles,
Guillermus, cecini natus et ipse Fay. Guillaume du Fay, je vous ai chantées.
11 | Magnanime gentes laudes | ***** |
Magnanime gentes laudes patiare, mi Berna Accepte, chère fille de Berne, l’éloge d’une grande famille,
Augeat usque ssum nuntia fama decus ! Que la renommée proclamée augmente encore son honneur !
Vox Pegasea locum mundi procurrat ad omnem : Que ma voix pégaséenne coure en tout lieu du monde ;
Cognoscant Daci, Teucria, Parthus, Arabs, Que les Daces, les Turcs, les Parthes, les Arabes,
Quam fortes animos, Sachent quelles courageuses âmes,
quam ferrea pectora quamque Quels coeurs de fer,
Egregios sensus, Quels sens remarquables,
optima Berna, paris ! Merveilleuse Berne, tu enfantes !
Juribus annorum cujus res publica florens Par la loi de l’âge dans lequel tu fleuris,
Consilio veterum multiplicata manet. Ta République se voit multipliée par le conseil de tes Anciens.
Cultrix justiciae, Toi qui honores la justice,
communis pacis amatrix, qui aimes la paix commune,
Quae tua gloria sit, maxima gesta docent ! Que la gloire soit avec toi, que l’on sache tes exploits.
Alleluja, alleluja. Alléluia, alléluia.
Nexus amicie Musa modulante Camena Que le lien de l’amitié soit magnifié par le chant de la muse Camène,
Magnificetur, enim nil sine pace valet. Car rien n’a de valeur sans la paix.
O quando jungi posuisti, Berna, Friburgo, O quand tu as pu, Berne, être alliée à Fribourg,
Quanta mali rabies impetuosa ruit ! Que de fléaux impétueux se sont enfuis !
Optima cum vobis communia vota fruere, Avec vous, les meilleurs vœux communs donnèrent leurs fruits,
O quibus, o quantis utraque functa fuit ! O les belles et nombreuses choses que vous avez accomplies !
Vivite felices ! Praeclara Sabaudia pacis Vivez dans la joie ! L’illustre Savoie, pourvoyeuse et garante de la paix
Auctrix, servatix foedera vestra probat. Approuve vos traités.
Praegenitum Ludovicum Vous ceignez le jeune Louis
comitemque Philippum Et son ami Philippe :
Cernitis : en magnum pondus amicitiae. Voilà le grand poids de l’amitié !
Alleluja, alleluja. Alléluia, alléluia.
12 | Fulgens iubar ecclesiae dei | ***** |
Fulgens iubar ecclesiae dei, Lumière éclatante de l’Église de Dieu,
Peccatorum salus promptissima, Salut immanent des pécheurs,
Si precibus quibuscumque flecti Si tu peux être fléchie par quelques prières,
Queras, nobis da, virgo beata, Permets, bienheureuse Vierge,
Ut omnes qui tuae mysteria A nous tous qui honorons les mystères
Purificationis colimus De ta pureté,
Post temporis hujus curricula Après la course du temps d’ici-bas,
Sublimemur sanctorum sedibus. Que nous nous élevions au séjour des saints.
Quae semine viri peperisset, L’enfant qui serait né de la semence d’un homme,
Mulierem lex quondam congebat, Une loi oblige la femme à se rendre au Temple
Ut ad templum purganda veniret Pour l’y amener et se purifier :
Partum feren ; lex haec non urgebat Mais cette loi n’était pas pour Marie,
Mariam, quae virum non noverat. Qui n’a pas connu l’homme.
Illa tamen pro nobis omnibus Mais elle a respecté cette loi pour nous tous,
Legem tulit, ut nos quos amabat Afin que nous, nous qu’elle aimait,
Sublimemur sanctorum sedibus. Nous nous élevions au séjour des saints.
Quod purgari non indignaverit, Elle ne s’est pas jugée indigne d’être purifiée :
Hujus festo monstrat ecclesia L’Église le montre le jour de sa fête
Per cereum, quem tunc quisque tenet. Par un cierge que chacun tient alors.
Luce enim qua fulget candela, Par la lumière que donne sa chandelle, en effet,
Persplendorem vitae in Maria Nous montrons tous ensemble
Concorditer omnes ostendimus, L’éclat immaculé de la vie en Marie,
Ut per sue tandem precamina De sorte que, finalement, par ses prières,
Sublimemur sanctorum sedibus. Nous nous élevions au séjour des saints.
O igitur virtutis exemplar, O exemple de vertu,
Virginum lux, gloriosa virgo, Lumière des vierges, vierge de gloire,
Decus nostrum et, ut verum loquar, Toi notre honneur, et, à vrai dire,
Viva virtus, pulchra pulchritudo, Vertu vivante, beauté de la beauté,
Sanctitatis excellens imago, Image même de la sainteté,
Humiliter a te requirimus, Avec humilité, nous te demandons
Ut post mortem cum dulci gaudio Qu’après notre mort, avec une douce joie,
Sublimemur sanctorum sedibus. Nous nous élevions au séjour des saints.
Puerpera, pura parens Jeune mère, mère pure,
Enixa regem saeculi, Qui enfentas le roi du monde,
Tibi non fit, orba parens, Parent unique, pour toi,
Ritu mens : vales saeculi Il n’en va pas selon l’habitude : tu peux
Vitam reddere, nonulli Rendre la vie au siècle,
Salvati sunt hoc limite : Certains en furent sauvés ;
Das hec merito tituli : Dis, pour qui le mérite :
« Fili, peccata remitte ! » « Mon fils, remets les péchés! »
Eja, virgo lapsu carens, Vierge pure de faute,
Charta qua ditem expuli, Tu as donné ton assentiment
Annuisti legi verens A la loi qui m’enrichit,
Solvere legem ; et pulli Par crainte de l’affaiblir.
Turturum tis infantuli Et les petits des tourterelles, tes enfants,
Demonstrant oblati vitae Montrent, exposés à la vie,
Lumen pro me quod intuli. La lumière que j’ai portée en moi :
« Fili, peccata remitte ! » « Mon fils, remets les péchés ! »
Larga mater, lux oriens Mère immense, la lumière naissante
Omen dedit opuscoli, A donné en présage un petit livre,
Cum Simeon non moriens Que Siméon avant de mourir,
Amplexatur hunc : « oculi Embrasse : « Mes yeux voient
Numen vident » et servuli La puissance divine », et il continue en disant
Tenore dat verbum : « Mite ! » A un esclave : « Douceur ! »
Ad Christum dic : « te protuli : Dis au Christ : « Je t’ai porté au jour :
Fili, peccata remitte ! » Mon fils, remets les péchés ! »
O igutur virgo clemens, O vierge clémente,
Quae nos omnes redemisti, Toi qui nous a rachetés tous,
Domus Dei, gemma fulgens, Demeure de Dieu, perle resplendissante,
Dulcis porta paradisi, Douce porte du paradis,
Dic nunc, quaeso, tuae ptoli, Dis maintenant, je t’en supplie, au fils
Quem lactasi tuo lacte : Que tu as allaité de ton lait :
« Istis qui serviunt tibi, « A ceux qui te servent,
Fili, peccata remitte ! » Mon fils, remets les péchés ! »
13 | Moribus et genere | **** |
Moribus et genere Christo Jean, toi qui est lié au Christ
conjuncte Johannes, Par ta vie comme par ta famille,
Huc ades affluereque jube dictaminins aures Assiste-nous et fais que tous écoutent les préceptes :
Exercet plebs ista chorus tibi, Cette foule travaille pour toi,
carmina pangit, Elle compose des poèmes,
Angelicos tangit coetus cantando decoros. Et touche les anges en chantant leur gloire.
Carne viror, sed mente cruor, Verdeur de la chair, mais force de l’esprit,
sunt haec tibi dotes, Voilà tes mérites,
Corde nitor, sermone decor, Splendeur du coeur, noblesse du discours,
coeli scala pontes. Degrés conduisant au ciel.
Virginitate fruens, Toi qui jouis de ta virginité.
Niveo candore notare, D’une blancheur de neige reconnue,
Te laudant oeli profusae corpore guttae. Les gouttes d’huile sur ton corps disent ta louange.
Virgo, virga virens, Vierge, vierge dans ta verdeur,
vires virtutibus affer. Ajoute la force aux vertus.
Arteriisque pluens cantorum guttura profer, Déploie ta gorge où s’écoulent les chants,
Ut bene conjuncte concordi voce canentum Que, bien ensemble, d’une seule voix,
Astra sonent coelique boent Les astres résonnent et les cieux ruissellent,
hic nectare fontes. Fontaines de ce nectar.
Pectora, Christe, Ton choeur, Christ,
tui nimio venerando decore Fut touché par l’extrême vénération
Discipuli pectus tetigit pietatis honore ; De ton disciple si pieux ;
Pectore discipulus Domini Disciple aimé du Seigneur,
cenando Johannes Jean s’allonge pour prendre son repas,
Incubat et leves dulcis sopor occupat artus. Et un doux sommeil envahit ses membres.
Circumfulsit eum rerum cognitio clara La connaissance du monde rayonna en lui,
Et patris hic filium cognovit origine mira Et il connut le Fils du Père, et son origine extraordinaire,
Extasis haec felix, Heureux jusqu’à l’extase,
haec visio certe beata, Car cette vision est vraiment bienheureuse,
Qua nexus cujusque patet Qui à la fois unit
cognitio tanta ! Et donne une si grande connaissance !
Gaudet ecclesia, laetetur chorus et omnes Se réjouisse l’Église, heureux soit le peuple,
Laetentur populi per climata cuncta beandi. Heureux soient les peuples de tous les climats.
Divinio divitiis nunc afflue, Abonde maintenant en divinité et en richesses,
Divio dives, riche Dijon,
Hujus et obsequiis plus donativa quae vives. Et en lui obéissant, tu vivras de ses largesses.
Guillaume Dufay (1397-1474) débuta comme choriste à la cathédrale de Cambrai en 1409 et, dès 1420, il était au service des Malatesta à Rimini, en Italie. Il semble qu’il soit ensuite brièvement retourné en France puisqu’il fait ses adieux à ce pays dans sa chanson Adieu ces bons vins de Lannoy, datée de 1426. Il travailla à Bologne mais les troubles politiques de 1428 le forcèrent à fuir pour Rome où il demeura jusqu’en 1433. Après avoir été, jusqu’à la fin des années 1450, au service de la Savoie et de la Bourgogne, alternativement ou simultanément en fonction des aléas politiques, il retourna finalement à Cambrai où il vécut le restant de ses jours.
Dufay nous a laissé vingt-quatre motets, composés entre 1420 et (probablement) 1447. Treize d’entre eux sont isorythmiques, ils font se répéter une mélodie deux ou trois fois, mais à une vitesse plus rapide à mesure des répétitions. L’enregistrement de Paul Van Nevel nous en offre l’intégralité. Son interprétation se fonde sur une recherche musicologique rigoureuse – il a pris la peine de préparer sa propre édition en s’appuyant sur toutes les sources existantes. On remarquera notamment la façon dont les instruments d’époque doublent les parties vocales et évoquent ainsi les fêtes et autres événements de la cour pour lesquels ces œuvres ont été crées à l’origine.
Naomi Matsumoto, Les 1001 œuvres classiques qu’il faut avoir écoutées dans sa vie, Flammarion.