Eyes Wide Shut (1999) : 16/20
Film testament de Kubrick, son film le plus étrange, empreint de psychanalyse, de rêve endormi et de rêve éveillé, de rencontres, d’errements, de situations qui mettent bien souvent mal à l’aise mais qui éveillent néanmoins la curiosité. Kubrick filme une vie de couple, et quel couple ! Nicole Kidman est magnifique et parfaite dans sa composition, son numéro de charme pendant la première soirée est totalement crédible. Tom Cruise a l’un de ses rôles les plus sérieux et les plus dramatique de sa carrière. La vraie histoire du film est donc cette vie de couple, leur quotidien (leurs discussions, leurs ébats, le temps passé avec leurs filles) mais le plus important leurs tentations respectives. Alice est la première à parler en toute franchise avec une sorte de mépris à Bill. Celui-ci réagit mal, la tentation d’Alice avec l’officier de marine l’obsède. Sa quête de vengeance et de sensations fortes l’emmène dans des aventures étranges, à la limite de vivre un rêve éveillé. Mais le fait de vivre des moments pénibles et dangereux ne l’affectent presque en rien malgré des menaces qui pèsent sur lui. Après qu’Alice lui raconte un autre de ses rêves, Bill repart en exploration comme la première fois et peu importe les menaces et les conséquences. Son problème n’est pas tant la soirée étrange qu’il vient de passer mais uniquement son couple. Et c’est là que la réaction de Bill est intéressante, il va voir les mêmes personnes que lors de la première nuit, le pianiste, le loueur de costumes proxénète, la prostituée qui l’avait invitée et Ziegler qui faisait partie de la soirée. Celui-ci comprend certainement d’ailleurs que les menaces contre Bill ne sont d’aucun effet sur lui, puisque le réel souci de Bill est son couple. La preuve en est, Bill résiste à toutes les situations qu’il affronte, mais craque à la fin en voyant le masque de la soirée sur son oreiller à côté d’Alice. Il peut ainsi à son tour tout révéler à Alice. La mise en scène de Kubrick est excellente, le choix de la musique toujours aussi judicieuse. Le tour de force de sa réalisation est de nous plonger dans un monde mystérieux, à la fois plein de suspense (l’assemblée qui démasque Bill) et il faut le dire de malaise. L’esthétique de la cérémonie avec les masques vénitiens m’a beaucoup fait penser au final de la série du Prisonnier et à l’excellent film The Wicker Man. Un peu comme pour les films de David Lynch, Eyes Wide Shut mérite plusieurs visions pour essayer de comprendre tous les sens du film.